Deux heures après que Tsunade et lui se soient quittés, Aina pénétra dans leur cafétéria alias sauveuse anti-sommeil pour aller retrouver la jeune femme. Il aurait pu la rejoindre plus tôt, ses patients n'ayant été très chiants pendant leurs consultations mais son professeur en avait profité pour le prendre à part pendant sa pause. Une lobectomie pulmonaire était planifiée pour le jeudi et si l'étudiant étudiait le cas assez minutieusement et parvenait à gérer les simulations mentales, il aurait alors son nom d'inscrit au bloc. Il avait donc deux jours. Enfin 1 et demi avec Tsunade mais il avait fini par avoir l'habitude de travailler d'arrache pied alors il n'y voyait aucun problème. La caféine allait devenir sa meilleure amie une nouvelle fois. Il songea d'ailleurs qu'il y avait un moment qu'il n'avait pas eu une nuit à plus de 4h de sommeil, si nuit il y avait.

C'est donc de bonne humeur que Aina débarqua sur la chaise adjacente à la jeune Sato. Comme à son habitude, il s'assit avec aise et vint sans gêne passer son visage par dessus l'épaule de Tsunade pour zieuter ce qu'elle pouvait bien faire, ainsi scotchée à son téléphone. Les mystères de la technologie.

-Pas trop fait chier ?

Deux heures. C'était définitivement trop pour l'impatience qui sommeillait en lui, fouettée par les à coups de sa curiosité mêlée d'ennui. Il songea qu'à sa place il aurait sans doute fait un tour du quartier à la recherche d'un spectacle à se mettre sous la dent un moment, perché sur un toit comme un vagabond. Attendre assis à une terrasse ? C'était complètement dépassé depuis la fois où il avait testé et s'était fait avoir par la foule indésirable qui lui avait obstrué la vue. Sans compter son porte monnaie qui avait fait la gueule juste après. Les bars pensaient vendre du caviar à la place de leur saucisson sérieusement.

- Alors ces cafés ?

Autant qu'il n'émette pas son avis. Il détestait les cafés et ne pourrait donc en saisir la subtile différence entre chacun d'entre eux. Il avait même dû en faire tester à d'autres pour savoir lequel serait mieux au bar du BirdCage. Pour lui, ça ne lui servait qu'à ne pas s'écrouler à terre.

Aina se leva et incita la jeune femme à faire de même pour quitter les lieux. Rien ne pressait et il avait le temps puisque la maison close était fermée aujourd'hui mais il n'était pas très fana à l'idée de rester dans un lieu qui lui rappelait le boulot ou les études. Il voulait profiter du mieux qu'il pouvait d'un moment de détente avant qu'il ne remette son cerveau à chauffer.

- Si tu vois un magasin qui te plaît hésite pas j'ai tout mon temps aujourd'hui. Profite d'avoir un mec pour te porter tous tes sacs, miss j'ai pas assez de vêtements, lui fit-il, moqueur.

A bien y réfléchir, plus jeune il avait souvent fait office de porte bagages pour sa petite soeur alors qu'elle dévalisait en une journée toute la paie de sa pauvre mère qui sa cassait le cul à faire les trottoirs pour leur payer un toit et des couvertures chaudes. Il n'avait jamais trouvé cela pénible d'ailleurs. Il ne détestait pas faire les magasins, même s'il n'adorait pas non plus.

- Au fait, t'as passé ton permis depuis?

Aina observa le comportement de la jeune femme dans le métro et le long de la route. Une manie qu'il avait adoptée depuis une bonne dizaines d'années maintenant, et qui s'avérait être sacrément utile dans ses études. Visiblement, même si son visage ne la trahissait, elle commençait à ressentir la douleur. Il ne fit rien cependant, ralentissant seulement le pas lorsqu'elle le décida. Il connaissait la fierté de la jeune femme, et la titiller ne l'amènerait à rien. Lui-même préférant se demerder seul plutôt que de devoir montrer de la faiblesse, patte au sol à demander de l'aide, il appréciait ce trait de caractère chez les autres. C'est peut-être ça, qui l'avait séduit lorsqu'il l'avait rencontrée. Qui sait. Il ne s'était jamais posé la question, la réponse n'ayant aucune utilité.

Dans les rues de Tokyo, il se laissa guider. Bien qu'il connaissait chaque quartier, Aina n'avait la prétention d'en connaître chaque recoin et était plutôt intéressé d'en découvrir une nouvelle parcelle. Parcelle qui revendait des fringues sur lesquelles on avait vomi mais passons, ce n'était qu'un détail!

L'étudiant ne put s'empêcher de sourire devant l'expression exagérée de ces gestes et paroles lorsqu'elle lui présenta le magasin. Jamais se fier aux apparences de cette jeune fille. Elle pétait toujours autant la vie que dans ses souvenirs.

- Y'a pas de mots de passes au moins j'espère?

Très peu était son envie de se faire bouffer vivant. Oh tiens! Mais c'est que sa sœur avait réussi à lui façonner une culture, même minime, de ce qui était diffusé sur les écrans!

Jouant le jeu, Aina baissa la tête en signe de salutation et de respect avant d'entrer à l'intérieur. Son regard passa à droite. Puis à gauche. Et à nouveau à droite. Et songea qu'il allait se taper une putain de migraine vu tout ce qui était à disposition. Accompagner pour faire les boutiques : ok. Y aller pour soi-même : le calvaire. Les mains dans les poches, il s'aventura dans l'une des rangées, comme par automatisme alors qu'il y apercevait du tissu noir. Les tenues criardes que pouvaient porter certains mafieux étaient déjà mises hors pistes avant même d'y penser. C'était hors de question qu'il se balade avec un truc aux couleurs pétantes à Tokyo.

- Des conseils très chère?

Pas très à l'aise à l'idée de poser ses doigts sur les vêtements dont le prix d'origine de certains devaient largement dépasser sa paie, Aina tenta de paraître le plus naturel possible alors qu'il passait d'un bout de tissu à l'autre. Il y avait au moins vingt fois la même tenue avec juste un tout petit détail qui les différenciait! C'était perturbant tellement il avait l'impression que tout se ressemblait. Comment toutes ces nanas faisaient pour trouver LA perle? Et il ne pouvait pas dire que ça ne les concernait qu'elles, vu que Ryu pouvait également passer des heures dans un magasin à la recherche du vêtement parfait qui irait avec le reste de sa tenue. Aina était patient. Beaucoup plus que lui même pourrait le croire. Mais il lui était déjà arrivé de le planter là, dans une rue commerçante après avoir fouillé une dizaine de magasins sans qu'il n'ait trouvé son bonheur.

Ses doigts se posèrent sur un costard simple, noir. Ça ferait l'affaire non? En espérant qu'il lui taille bien. Le barman ne faisait que rarement attention à sa manière de s'apprêter. Du moment où lui, il se sentait tranquille dans ses baskets et dans ses fringues, ça lui suffisait. Mais apparemment ce ne fut pas l'avis de la jeune Sato qui vint lui filer diverses tenues dans ses bras, au fur et à mesure qu'elle revenait vers lui. La pile monta et...Euh....

- Tsunade?

Il était loin d'être peureux. Pourtant, à ce moment là, il craignit ce qu'elle lui réservait.

L'étudiant n'eut le temps d’émettre la moindre objection ni même un quelconque avis que le voilà déjà dans la cabine d'essayage, plusieurs tenues en mains et miroir décoré de traces de doigts face à lui. S'il comprenait bien, il allait devoir retirer ses pompes, donc s'asseoir ou galérer à trouver un équilibre en espérant pas avoir l'air trop con, puis se foutre en boxer et ensuite enfiler la ribambelle de tissus que Tsunade lui avait passés. Génial. Aina soupira un bon coup, sachant que s'il était là, c'était à sa demande, et qu'il en aurait bien besoin à un moment donné. Il s'attendait juste à recevoir une seule tenue dans les pattes, qu'elle serait la bonne et qu'il aurait juste besoin de payer. Tsunade et Ryu étaient décidément bien courageux. Quoique pour Ryu c'était plus une addiction au Shopping que vraiment du courage ou un besoin urgent. Enfin.

Après avoir jeté un coup d’œil rapide aux diverses tenues, Aina en choisit la plus simple et l'enfila sans plus attendre. Deux trois étirements d'épaule plus tard -toujours être à l'aise dans ses fringues pour parer à n'importe quelle éventualité- et il décida d'écarter le rideau pour montrer le résultat à Tsunade. Bon. Vu la bouille, y'avait un truc qui clochait.

- Quoi? Si tu dis que c'est ma tête qui ne suit pas avec la tenue j'te préviens que j'peux pas la changer hein!

Kizuki apporta son poignée à sa truffe et renifla un instant.

- En plus elle a pas l'air de sentir le vomi.

Le jeune barman se saisit de l'une des cravates qu'elle lui avait choisi et se retourna pour l'enfiler autour du col de sa chemise.

- C'est sûr que si tu me compares à tous ces Yakuza qui en porte quasi h24, j'fais pas le poids. C'était pas chiant d'ailleurs de les voir toujours habillés de la même manière, quand t'étais encore là bas?