Aina renifla une fois. Deux fois. Trois fois. Et vint essuyer cette satanée goutte qui pendait inlassablement sur le bout de son nez à l'aide de sa veste trempée. Geste totalement inutile diriez-vous, mais geste qui l'occupait tout de même à cet instant de pur ennui qui lui rappelait ces fois où il dormait à la rue lors des intempéries. L'étudiant porta ses mains rougies par l'acidité de la pluie à ses lèvres pour les réchauffer. En tant que futur chirurgien, ses doigts étaient autant synonyme d’échec que de réussite. Il se devait d'en prendre soin, c'est pourquoi il n'était pas encore sorti de sa cachette lorsqu'il vit son ancien pion s'arrêter en voiture devant lui. Ni une ni deux, il ne se fit pas prier pour y monter.

Une fois assis et la portière fermée, Kizuki soupira puis passa une main dans ses cheveux humides qu'il amena vers l'arrière, laissant son cache-œil entièrement visible.

- Alors, un détraqué, une prostituée, et un vendeur de légumes. Chouette. On pourrait limite se faire un jeu des sept familles avec la belle brochette qu'on a.

Un poil poli tout de même, Aina fit un geste de la tête vers Asami pour le remercier, posant son regard sur le sien via le rétroviseur puis songea à la pluie qui les menaçait. Il avait peut-être fait des études poussées, mais il ne fallait pas être débile pour remarquer qu'elle n'était en rien naturelle. Il était d'ailleurs parti en direction des laboratoires avant que celle-ci ne le coince sous une bâche à la solidité plus qu’inquiétante. Par chance, Asami avait l'air d'emprunter une route qui s'y approchait. Il n'aurait alors qu'à quitter le véhicule lorsqu'il le verrait s'en éloigner.

Des crissements de pneus arrivèrent à ses oreilles et Aina dut s'appuyer sur le siège en face de lui pour ne pas se le prendre en plein dans la gueule alors que le conducteur freinait brutalement pour éviter l'accident qui venait d'entraver leur route. Entre le bouchon qui se formait et les citoyens qui hurlaient en criant dans la rue, on aurait dit le début d'un bon film à catastrophe naturelle. Genre, celui avec la neige là et l'eau! Mais oui!

- Vous pensez qu'une voiture, ça tient bien?

Entre la carcasse en ferraille et les pneus en caoutchouc, c'était pas sûre.

Peintre. Prostitué. Boarf, c'était la même chose, à deux doigts près. L'un couchait pour de l'argent et l'autre couchait pour de la reconnaissance, donc vendre, donc de l'argent. Ouais nan. C'était définitivement la même chose.

Néanmoins il n'accorda pas plus d'importance au passager. S'il comprenait bien, si la voiture se dirigeait vers les laboratoires, c'était que Yamashita avait l'intention ferme d'y aller pour trouver un moyen de cesser la pluie. Aina le dévisagea via le rétroviseur. Il ne voulait pas qu'il y aille, parce que ce n'était pas sa place. Sa place à lui était en sécurité dans sa supérette de quartier à rassurer les petites vieilles.

- Asami-san? Tu déconnes n'est-ce pas? Tu ne vas pas aller au devant du danger juste parce que des types pourraient en mourir dis-moi.

Si Kai/Akira -c'était laquelle des personnalités déjà?- était curieux de le voir à l'oeuvre, l'étudiant lui, ne l'était pas du tout. S'il y avait bien une personne dans cette voiture qu'il ne voulait voir blessé ou embarqué dans des emmerdes, c'était son ancien pion. Lui et les deux autres, il en avait rien à foutre de ce qui pouvait leur arriver à côté de ça.

- J'ai pas envie d'être méchant mais y'aura forcément d'autres personnes que toi plus aptes à gérer ça.

Aina commençait déjà à s'emporter qu'Akira provoqua le destin. Littéralement. Et pas dans le bon sens alors qu'ils sentirent la voiture se baisser à l'arrière d'un coup sec. L'un des pneus, ou peut-être les deux, venait de lâcher.