2058年10月
Pas de mari jaloux, mais une famille envahissante. J'arque un sourcil à ses dires et termine moi aussi mon verre. Je ne suis pas certain d'avoir tout à fait compris son message. Mais je sais qu'elle veut partir d'ici, puisqu'elle fait signe au serveur de nous apporter l'addition après seulement un verre. Je sors mon porte monnaie pour payer, en bon gentleman. Je ne compte pas laisser une femme payer son verre tout de même. Je suis peut-être un peu vieux jeu moi aussi, bien plus que je ne voudrais me l'avouer. Mais la galanterie fais partie de mon éducation. Je suis un fils de bonne famille, et on m'a toujours dit qu'il fallait tenir la porte à une femme ou payer sa note au restaurant.
C'est donc devenu naturel, à force. Je ne me pose même plus la question. Quand je suis en compagnie d'une demoiselle c'est toujours moi qui paye. J'ai de toute manière les moyens de l'inviter. Je ne suis pas du genre à devoir compter les sous sur mon compte en banque pour savoir si je vais pouvoir finir le mois ou pas. J'ai bien assez d'argent comme ça. Même si je ne suis pas un milliardaire comme mon ami Sanada, je suis tout de même facilement millionnaire. J'aimerai avoir mon premier milliard d'ici mes 35 ans. C'est un objectif comme un autre dans la vie...
Je me relève et prend le bras de ma compagne du soir. Elle cherche à semer quelqu'un. Non. A tuer quelqu'un. Je baisse le regard vers elle et esquisse un petit sourire. Serait-elle en train de m'utiliser ?... Peut-être bien. Mais je crois que ça m'est égal. J'ai besoin de m'amuser ce soir, et Mademoiselle Nishimura est une excellente distraction. Je porte de toute manière une arme à ma ceinture. On ne sais jamais sur qui on va tomber, dans les rues de Tokyo, et mieux vaut prévenir que guérir.
« Je vous suit, dans ce cas-là. Trouvez nous une ruelle tranquille pour nous occuper de lui. »J'aimerai qu'elle m'explique avec plus de clarté la situation actuelle. Après tout cette nuit, ses emmerdes sont aussi les miennes. Pourquoi est-ce qu'il a fallu qu'elle soit charmante ?... Pour ses beaux yeux, je m'apprête à tuer un homme ce soir, un type qui ne m'a rien fait. Un parfait inconnu, que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam. Je commence à me demander si ça vaut le coup. Je ne connais pas spécialement le nishimura-kai, seulement de nom. Qui est cet homme, qu'elle veut éliminer ? Fait-il partie de sa famille ?... Il ne nous faut aucun témoin, pour ne pas que les conséquences me retombent dessus plus tard. Je commence à douter fortement. C'est peut-être elle que je devrais tuer, finalement.
Alors qu'elle nous éloigne de la rue principale, les passants se font de moins en moins nombreux. Nous marchons d'un pas tranquille et je commence à moi aussi me sentir observé. Est-ce que ce type va me tuer, moi aussi ?... Ce serait bête de mourir ce soir, sans la moindre raison. Juste au mauvais endroit, au mauvais moment. Ce sont des choses qui arrivent à Tokyo, mais je préférerai éviter de mourir trop jeune. Un Yakuza ne vit en général pas bien vieux, mais j'espère tout de même atteindre la cinquantaine.
« Vous devez être honnête avec moi, Kyôka. Dites-moi qui est cet homme, que vous voulez que j'élimine discrètement. Qui est-il, qu'est-ce qu'il vous veut et pourquoi. Je dois savoir, avant de me décider. Vous êtes peut-être charmante, mais pas assez pour que je risque un assassinat. »