Finalement je prends le relais derrière les fourneaux ce qui ne me dérange pas vraiment. Au contraire je trouve ça amusant de cuisiner pour quelqu’un, surtout pour une fille. Je ne suis pas certain que l’occasion se représentera pour une autre. Tsunade sera sans aucun doute la seule femme, en dehors de ma mère, avec qui je partagerais mon toit mais aussi ce genre de moment d’intimité. Après tout, je suis gay !

Tout en cuisinant je l’écoute me parler de son oncle. Au final, Tsunade a fuit une famille de Yakuza pour se retrouver dans une autre. C’est assez drôle quand on y pense même si je me garderais bien de le lui faire remarquer. Au final nous avons tous les deux soifs de liberté et avons peut-être mal choisir la manière de nous y prendre. Moi je suis devenu un Yagami pour échapper à l’emprise de mon père et elle, je crois qu’elle se réfugie dans le monde de son oncle pour échapper aux Yagami. Au final dans cette ville, même quand on ne veut pas devenir yakuza, on finit d’une manière ou d’une autre par appartenir au clan si on a le malheur d’être né dans une famille de Yakuza.
« Tant qu’il ne te fait rien de louche ni de pervers. »
Depuis que je vis dans les bas quartiers j’ai vu tellement de chose glauque et immorale que j’ai l’impression que plus rien ne pourrait me surprendre.
« Si ça se trouve un de ces jours tu te retrouveras à vendre des armes aux Yagami. À moins qu’ils ne soient déjà en affaire avec ton oncle. Après tout, ils doivent bien s’approvisionner quelque part. Du coup quand on y réfléchi, t’es pas prête d’être débarrassée de la famille. »

Notre déjeuner un peu tardif est presque prêt. Je lui demande où elle range sa vaisselle et commence à mettre la table, prenant sans le vouloir vraiment petit à petit mes marques.
« Au fait puisque tu es vendeuse d’arme, j’imagine que tu fais du tire ? On devrait en faire ensemble à l’occasion. Je ne suis pas mauvais mais j’ai encore besoin de m’exercer. »
Je possède une arme. Je l’ai acquis juste après m’être fait mordre par des molosses dans les bas-quartiers. Je ne m’en sers que sur ces monstres lorsqu’il m’arrive encore d’en croiser. Jamais sur les humains même si un jour j’ai été tenté de tirer sur un homme. Au final je ne l’ai pas fait et ce n’est pas plus mal. Je ne sais pas si je pourrais vivre avec du sang sur les mains. J’aurais l’impression d’avoir franchi un point de non retour.

J’esquisse un sourire en sentant la bonne odeur de mon plat flotter dans l’air. Je n’ai pas perdu la main malgré le fait que je n’ai pas souvent l’occasion de cuisiner mais ici, je pense que je le ferais souvent. C’est drôle quand même… lorsque je vivais à Chiyoda j’avais une cuisine tout équipé mais je ne m’en servais presque pas. Il faut dire que ma mère passait son temps à m’apporter des bons petits plats et puis je ne manquais pas d’argent alors je mangeais souvent dehors. J’avais aussi une vie sociable beaucoup plus remplie et des hommes toujours prêts à m’inviter…

Je quitte mes pensées ou plutôt mes souvenirs pour lui répondre :
« Un FN Five-seveN. »
Autrement dit une arme atypique digne d’un Yagami. C’est surtout une arme de guerre plus que de défense même si je ne souhaite pas l’utiliser sur des hommes… Je la destine plutôt aux molosses qui aimeraient encore me grignoter.
« Voilà ! c’est prêt ! Tu me files les assiettes ? »
Je nous serre généreusement car je sais que malgré sa taille de guêpe, Tsunade a bon appétit. Enfin… si mes souvenirs sont exacts.
« Et toi ? Tu as une préférence niveau arme à feu ? »
J’esquisse un sourire tout en me disant qu’un an auparavant cette conversation n’aurait sans doute jamais pu avoir lieu. Je détestais les armes et pensais ne jamais en avoir besoin. C’est fou quand même à quel point on peut changer en l’espace de quelques mois mais aussi de quelques mauvaises rencontres…

Je goûte le premier mon plat et je dois dire que ce n’est pas mauvais du tout. Si c’était dans mes projets, on aurait presque pu dire que je suis bon à marier mais… non merci. Je tiens trop à ma liberté mais surtout je ne suis pas certain que ça soit pour moi. Pas avec ma fâcheuse tendance à m’amouracher à de vilains garçons… et si ce n’était que ça… Le dernier était comment dire ? C’était bien plus que ça. Aujourd’hui encore je ne cerne pas très bien qui il est mais je sais une chose, il est dangereux alors mieux vaut éviter de recroiser sa route…
« Alors tu trouves ça comment ? C’est bon ? Est-ce que ça valide définitivement mon installation ici ? »
Franchement ça ne me dérange pas de cuisiner. Je ne serais pas souvent là, mais si elle veut, je pourrais nous faire des bons p’tits plats. Ça lui évitera de commander chez le traiteur. Après tout, elle perd un dressing, il faut bien qu’elle y gagne quelque chose alors pourquoi pas un cuisinier à mi-temps ?

L’affaire est entendue. En fait j’aurais dû commencer par là : lui proposer mes talents de cuisiner. Après tout, ils sont tous neuf et elle n’était pas au courant. Du coup ça passe tout de suite mieux. Ah ! Tsunade n’a pas changé de ce côté-là et quelque part ça me rassure mais surtout ça me fait du bien de retrouver un visage familier et amicale même si tout à l’heure, elle m’a fait un peu peur. Elle est effrayante comme fille et je me dis qu’elle doit tenir un peu de grand-mère. Enfin je vais me garder de le lui dire. Je sais qu’elle n’aime pas ce qui lui rappelle qu’elle est malgré tout une Yagami, qu’elle le veuille ou non et en dépit du fait qu’elle n’en porte pas le nom. Moi non plus je ne m’appelais pas Yagami à l’origine mais j’ai fini par rejoindre la famille. Un peu comme si l’univers m’y avait obligé… Et si j’étais tordu, je pousserais le raisonnement en disant que Kazuya a peut-être contribué à alimenter mes galères dans le but de me pousser à venir frapper à la porte du manoir… Mais c’est trop tordu pour que ça soit vrai. Et pourtant quand on y pense ça me rappel ce qu’il a dit l’autre fois… Peu importe le nom qu’on porte, tant que le sang des Yagami coule dans nos veines, on fait parti de la famille, qu’on le veuille ou non. C’est à la fois touchant et effrayant. Tout dépend de l’interprétation qu’on prête à ses paroles…
« Si tu veux bien, j’aimerais emménager le 5. J’ai un pote qui a un fourgon et il ne travaille pas ce jour-là. Du coup ça sera plus simple pour moi. De toute façon je n’ai pas grand-chose. »
Donc ça ne prendra pas beaucoup de temps. Reste à voir si elle arrivera à vider son dressing d’ici là. Tsunade est pleine de ressource alors je ne m’inquiète pas pour elle. D’ailleurs je ne m’éternise pas non plus chez elle. L’affaire étant entendu, je n’ai plus qu’à la laisser voir comment elle peut s’organiser. Moi aussi j’ai à faire de mon côté. En plus d’ici quelques jours on se croisera presque tout les jours alors on aura largement le temps de profiter l’un de l’autre. Du coup mieux vaut la laisser profiter de ses derniers moments de solitude !