Il ne fait pas très beau aujourd'hui. Je regarde le nuage approcher, fronçant les sourcils. Ca ne me paraît pas être un bon présage...et ça me rappelle un peu trop certains jours à Shinjuku, là où nous sommes habitués au pire. Je déteste les orages. J'en ai même une peur bleue, qui ne tend pas à s'amenuiser avec le temps. Mes doigts se crispent sur la poussette de Tomoe. Incapable de détacher mes yeux de ce gros nuage noir, je déglutis avec difficulté. Il n'y a aucun moyen de s'échapper d'ici...et les gens autour semblent ne rien remarquer, trop occupés à s'amuser...

"Yoshi? J'aimerais rentrer...on va se prendre un orage..."

Qu'est-ce que je disais? Le tonnerre commence déjà à retentir au loin, et les éclairs anormalement colorés me font frissonner de terreur. Personne ne semble réagir. La pluie commence à tomber, d'abord timide puis sensiblement plus forte. Mes mains me grattent sans que je comprennent d'où cela peu provenir...les enfants pleurent, même ma chère Tomoe, que je protège comme je peux avec sa bâche. Que se passe-t-il?

"Yoshi! C'est pas normal!"

Ce matin j'ai du me lever tôt. Daisuke veut qu'on aille à ce putain de festival pour sortir Tomoe-chan ensemble. Faire une petite sortie en famille, à trois. Nagato qui est adolescent a préféré aller passer son après-midi à Nakano avec Kagami, pour aller à la salle d'arcade. Je lui ai donc donné un peu d'argent de poche en conséquence, histoire qu'il ait de quoi jouer à un jeu débile pour gagner une licorne en peluche et la donner à son petit ami.

Daisuke et moi avons mis des Yukata, et Tomoe aussi en porte un. Nous sommes une jolie petite famille, au milieu d'autres familles tout aussi mignonnes que nous. Je n'aime pas ça. J'ai envie de rentrer... ce genre d'ambiance me déprime un peu mais... Je voulais faire plaisir à mon mari.

Le temps se couvre et bien vite, l'orage commence à tomber. Merde. Il manquais plus que ça, avec Daisuke qui est phobique... Fort heureusement, je vois au loin une silouhette familière. Tout aussi grande que moi, planqué sous le paravent d'un petit cabanon qui vend du saké. Ah, il commence à picoler tôt l'enfoiré ! Je prend la main de Daisuke et presse le pas pour rejoindre l'homme qui est là. J'espère que ça va le distraire assez, le temps que ça passe. En espérant que ce ne soit pas un gros orage qui dure trois heures. On est garés à l'autre bout du quartier en plus!

« Hey brother ! Il fait un temps de merde, n'est-ce pas ? »

Pourquoi lorsque je peux enfin sortir il faut que ce soit à un événement de merde comme celui-là? Je n'ai rien à foutre dans ce festival, putain! Pourtant me voilà, à picoler dès 10h du matin pour noyer mon chagrin d'être seul. Je n'ai même pas de garde du corps, je les ai envoyé chier assez vite. Ils sont incompétents de toute façon, la dernière fois je me suis fait enlever sous leur nez sans qu'il ne remarquent quoi que ce soit! Je devrais sûrement en engager d'autres, mais...hmm...on va dire que ça me donne une occasion d'être un peu libre.

Comme si ce festival de merde ne suffisait pas, il commence à sérieusement flotter. Ah. Heureusement, je suis bien abrité vers ce stand, et je n'ai pas l'intention de bouger le petit doigt. Je me contente donc de lever la main pour faire signe à Fuji, sans lâcher mon verre.

"Clair. Tout le monde fout un peu le bordel aussi, tu trouves pas?"

D'ordinaire, j'aime l'odeur de la pluie. Mais là...hmm...je trouve qu'elle sent bizarre. Pas comme d'habitude. Ca doit être le quartier. Je m'apprête à terminer mon verre, mais un type bizarre aux vêtements beaucoup trop parfaits me bouscule, sûrement poussé par quelqu'un d'autre. Non mais...sérieusement? Pourquoi tout le monde s'excite, là? Z'ont jamais vu d'averse de leur vie, ou quoi?

"Humpf. Pouvez pas faire un peu attention?!"

Si je regrettais au début l’absence de Kagami, je commence à me dire qu’il a bien fait de ne pas m’accompagner à ce festival. En effet l’ambiance festive n’est plus vraiment au rendez-vous depuis que cette pluie étrange et nauséabonde s’est mise à nous tomber dessus. Ce n’est pas un orage ordinaire mais l’heure n’est pas vraiment à la réflexion. Je pense qu’il vaut mieux rentrer se mettre à l’abris mais comment ? La foule est dense et il commence à y avoir de l’agitation. Je n’ai plus qu’à attendre une accalmie. Peut-être dans ce stand ? J’y arrive tant bien que mal et sans encombre ou presque… en effet un passant me bouscule et me faire perdre l’équilibre. Ma chute n’est pas bien rude. Je ne touche même pas le sol. Je me retrouve plutôt contre le dos d’un type assis au comptoir.
« Excusez-moi. »
Je me redresse et lui tend un mouchoir car visiblement il s’est renversé de l’alcool dessus à cause de moi. Je me tourne ensuite vers les visages familiers qui se trouvent à mes côtés.
« Vous aussi vous avez eu la mauvaise idée de venir faire un tour au festival. »

Mes mains sont devenues rouges à cause de cette pluie étrange. Elle me rappelle beaucoup trop ce qu'on a eu à Shinjuku il y a quelques années, lorsque la pluie était assez agressive pour me faire des plaques rouges un peu partout sur le corps...à cette époque, j'étais à moitié à poil dans la rue, et j'ai mis du temps à me remettre. Là, c'est pareil. Je n'ose pas y toucher, mais ça me gratte. Et Yoshi qui s'en branle totalement, qui ne fait que discuter avec...qui sont ces types, déjà? Les deux me disent quelque chose. Il doit les connaître assez bien pour leur parler comme ça.

"Il faut qu'on quitte cet endroit au plus vite. Regardez la foule...et ça..."

Je montre mes mains tremblantes abîmées par cette pluie odorante, sous le regard suspicieux des deux inconnus. Ils ne voient pas où est le problème. Pauvres fous...vous ignorez tant de cette ville, au final!

"Je connais ce genre de pluies. On en a eu une il y a des années, à l'ouest...elle était moins agressive, mais c'était pareil. La même odeur. Les mêmes conséquences. Je ne veux pas que Tomoe respire ça, Yoshi!"

Je commence à paniquer à mon tour, plus à cause du tonnerre et des éclairs qu'à cause de cette pluie qui je sais ne me fera pas plus de mal que ça. J'ignore d'où elle provient...mais ce qui est sûr, c'est que nous devrions trouver un abri clos au plus vite. Ca ne sert à rien de rester près des stands, le vent fait s'engouffrer la pluie dedans. Je veux absolument protéger Tomoe...

Résumons la situation. Il est 10h du matin et Brother doit déjà être bien entamé au Saké. Yukimura est là aussi et mon mari me montre ses mains irritées par la pluie. Je regarde autour de nous, tente de réfléchir et me mordille nerveusement la lèvre. Tiens ! Il n'y a qu'avec Tetsuya que je n'ai pas baisé ici !

AH! Concentration Yoshimaru. Concentration.

« Je suis garé un peu loin d'ici. Tu le sais en plus Daisuke... Je voulais me rapprocher, mais tu m'as dit qu'on pouvais marcher un petit peu. »

Je regarde les deux autres hommes, légèrement perdu et soupire en sortant mon arme. Je regarde ma petite fille et retire la sécurité.

« J'suis pas certain que ce stand de saké tienne le coup bien longtemps. Vous êtes armés tous les deux ? Brother ? Yuki-kun ? On va devoir se planquer pas loin d'ici je suppose. »

J'ai une famille a protéger. Et si la pluie a irrité la peau de Daisuke comme ça je n'imagine même pas ce que ça pourrait faire à notre petite fille. Je me penche pour sortir sa petite couverture de sous la pousette et la dépose sur elle pour la protéger au maximum.

Aaaaah...le rouquin commence à paniquer, et je crois que ça fait aussi paniquer brother. En même temps, ils ont un bébé sur les bras, ces cons. Je sors mon arme pour vérifier le chargeur, et acquiesce lentement. J'ai bu, mais pas au point de faire des conneries. Je sais me tenir un minimum, eh!

"J'espère que tu ne comptes pas tirer sur la foule, bro. Je te rappelle que tout le monde ici est venu pour les mêmes raisons que toi et ton mec."

Le festival est une fête avant tout. S'il y a un bordel monstre, c'est simplement à cause de cette pluie. Les gamins hurlent, les familles semblent se déchirer pour savoir si ça vaut le coup de s'entraider ou s'il vaut mieux au contraire sauver sa peau en priorité. Moi? Je m'en branle. A vrai dire, je crois que j'aime bien cette petite animation, et je suis persuadé qu'elle a été orchestrée d'en haut. Après tout, Tanaka est bel et bien fou à lier. C'est ce que je ressens chaque fois que je vois ce type ou ses acolytes les plus proches.

"On peut essayer d'atteindre l'hôtel un peu plus bas sur la rue. C'est le seul bâtiment ouvert avec le festival, mais tout le monde va vouloir s'y engouffrer...et c'est hors de question que je demande une voiture, avec la foule, c'est même pas la peine d'y penser."

La bâche du stand ne va pas tarder à lâcher, ça se voit. Et avec le rouquin paniqué et le bébé qui est à deux doigts de chialer, on peut pas se permettre une seule erreur. Putain, ils sont vraiment nazes ces types...

Armée ? Oui mais il n’est pas sensé savoir que j’ai toujours un couteau sur moi. Après tout, Yoshimaru ne connait pas mon petit secret et ce n’est certainement pas aujourd’hui que je me montrerais sous mon vrai jour. J’ai encore besoin de mon image lisse de playboy milliardaire et superficiel.
« Tu plaisantes ? Je suis écrivain et agent immobilier, pas yakuza. »
Je suis accessoirement rentier mais j’imagine qu’il est inutile de m’attarder sur mes nombreuses casquettes.
J’écoute le brun que je ne connais pas mais qui semble être particulièrement être proche de Yoshimaru avant de jeter un coup d’œil à la toile du stand. Elle ne tiendra plus très longtemps.
« Je me fis à vous messieurs. Quoi que vous décidiez, faites-le vite. »

Yoshimaru a sorti son flingue, ce qui signifie que...les choses ne vont pas tarder à dégénérer. J'espère en tout cas que l'autre type n'est pas armé, avec le saké qu'il vient de s'enfiler, c'est très probable qu'il tire dans le tas sans réfléchir! Putain mais qui m'a refourgué des boulets pareils, sérieusement? Je soupire d'exaspération et frotte nerveusement mes mains, qui ne retrouveront pas leur état normal avant un moment je pense. Que faire...que faire! Nous devons quitter ce stand près de craquer, mais nous ne pouvons aller nulle part tant que la pluie cherche à nous faire du mal. Je suis perturbé par toute cette agitation, je tremble comme une feuille...mais plus que la situation, c'est l'orage qui m'effraie le plus. Saleté de phobie. J'aurais aimé faire quelque chose contre ça avant d'être enfermé dehors...

"On peut passer de stand en stand. Mais on peut pas laisser tous ces gosses seuls...je...à plusieurs on a plus de chances de s'en aller, non?"

Je regarde tous ces enfants perdus, pleurant à chaudes larmes pendant que la pluie leur bouffe la peau comme elle a bouffé la mienne. Ca me fait mal au coeur. Je ne veux pas qu'ils crèvent comme des chiens alors que j'aurais pu faire quelque chose...

"Il faut qu'on trouve le grand chapiteau, la bâche est plus solide. Peut-être que la pluie s'arrêtera..."

Le chapiteau est à l'opposé de notre voiture, mais il est en même temps proche de l'hôtel dont parle Sato. Ca peut être une bonne étape pour souffler, au cas où le simple trajet jusque là-bas nous blesse. Et on pourrait rattraper de pauvres malheureux au passage...quels monstres peuvent abandonner leurs enfants de la sorte?!